LA
FONTAINE DU MAURE
Juan Andres Ezcurdia : الناصر
صلاح الدين (Salah al Dîn)
Huile sur noyer. United Arab Emirates Museum. Dubai.
Au nom de Dieu, le Clément,
le Miséricordieux,
Ceci est la véritable
description de la fontaine que les rôm, en leur égarement, appellent fontaine
du Maure et que les Croyants, que Dieu les assiste, savent être la fontaine de
Ô’jeü où s’abreuvent hommes et
bêtes, en si grande quantité que Dieu seul en sait le nombre, qu’Il est
puissant et majestueux.
Comme l’eau de Zemzem, cette eau produit
les effets que l’on espère en la puisant: si tu la bois pour trouver la
guérison, Dieu te guérira; si tu la bois pour couper la soif, Dieu te
désaltèrera ; si tu procèdes à des abblutions Dieu te lavera. A la
distance d’une parasange (1) se tient, auprès de l’hôtellerie des dinandiers proche de la
savonnerie, un marché prodigieux. Le froment y vaut un dinar mü’mìnide
les deux qådah et demi, mesure maghrébine. En ce pays les gens
récoltent les dattes fraîches comme les Maghrébins lorsque les figues et le
raisin sont mûrs. On les étale par terre pour les faire un peu sécher, puis on
les entasse dans des paniers et des vases pour les conserver.
Cette région regorge de
denrées et de fruits : figues, raisins, grenades, coings, pêches, noix,
pastèques, concombres cannelés, concombres ordinaires et toutes sortes de
légumes : aubergines, navets, choux, haricots, plantes odoriférantes et
fleurs parfumées. La plupart de ces fruits et légumes sont vendus toute l’année
et ont bien meilleur goût que ceux qui viennent d’autres pays. Grand fut notre
étonnement en faisant cette constatation ! Dieu est garant, par Sa Grâce,
de l’aisance et de la facilité !
On y vend en outre des joyaux
précieux, des perles, des hyacinthes, d’autres pierres, tous les parfums :
musc, camphre, ambre, aloès et simples indiens et une prodigieuse quantité de
marchandises venues d’Irak, de Yémen, de Khûråsân, de
Ghür-Mançðnn et du Maghreb, articles qui
ne peuvent être ni dénombrés ni précisés et dont le négoce génère un grand flux
de Dinars de de Dirhams.
Le pays est en outre épargné
par le vent simûn, qui souffle où Dieu le veut en Sa sagesse.
Les arabes bédouins prétendent qu’à la lunaison
l’eau du puit de
Ô’jeü monte de
sept coudées. Yûsuƒ ben Khåst’jòn, cacochyme vieillard
commis par le Calife à la garde de la
fontaine, que Dieu lui octroie Sa bénédiction, m’a assuré la véracité du fait.
La veille de la nouvelle lune, l’un d’entre nous laissa pendre une corde nouée
dans le puits et au matin constata que le niveau avait au contraire légèrement
baissé. Bien nous prit de celer ce phénomène, nous eussions été jetés dans le
puit et piétinés jusqu’à être réduits en bouillie. Avec sagesse, nous cherchons
refuge auprès de Dieu contre les exagérations et les outrances du peuple, ainsi
que sa facilité à suivre les fougues de la passion.
Ibn Battûta
p.c.c. Jose Antonio de Bacalao y Garbanzos
(1)
une parasange vaut environ 5250 mètres
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