Jan Pavel EZCURDIA (1881-1953)
Cet Ezcurdia est à la fois un des plus connus et le plus méconnu. Il
intègre le Bateau-lavoir en 1904 et est,
avec Picasso, un des plus fidèles élèves de Braque. Nous conservons peu de
toiles de cette époque et l’une des plus représentatives est, sans conteste, Le pape Clément marie sa fille
en Avignon
, (oil on canvas, M.O.M.A.)
Une violente
brouille avec Picasso et un certain insuccès le conduisent à quitter les
milieux cubistes en 1907.
Après cette première
disparition nous le retrouvons en 1919 conduisant la Rolls Royce de Rudyard
Kipling. Une solide amitié le lie semble-il à l’écrivain, qui hante les champs
de bataille des Flandres pour retrouver la dépouille de son fils John, tombé à
18 ans dans les rangs des Irish Guards (you'll be a Man my son! ?????). Il n’a
pas encore renoncé à la peinture puisqu’il fait don à la commune de
Haisnes-la-Bassée d’un tableau pré-surréaliste d’inspiration et classique de
facture : De Loos
en Gohelle au St Mary’s cementery. Huile sur bois. Collec part.)
Comment fit-il la connaissance de celui qui allait devenir Hô Chi Minh?
nul ne le sait, mais nous les retrouvons bras dessus bras dessous en 1920 au
congrès de Tours où ils figurent parmi les membres fondateurs du Parti
Communiste Français.
Il participe ensuite aux 5ème, 6 ème et 7ème
congres du Komintern où il fait la
connaissance des principaux cadres (Togliatti, Duclos, Marty, Artur London,
Dolores Ibarruri, Tito, Ernö Gero, André Artiaga, Rakosi, Pieck, Anna
Pauker...)
Période allemande
Nous retrouvons sa trace à Bayonne, en 1934, où, venu rendre visite à
sa sœur Arlette Stavisky et à son époux Sacha, il est présenté à un
villégiaturiste allemand auquel le lie bientôt une estime réciproque. Otto
Abentz l’ayant convaincu de l’accompagner en Allemagne Jean Pavel laisse à
Stavisky la jouissance du chalet « le vieux logis », à Chamonix, où
il avait prévu de passer la saison. Nous connaissons la suite.
Outre Rhin J. Pavel Ezcurdia est introduit dans les milieux influents
du nouveau Reich et se voit bientôt confier, sur un caprice du Ministre de
l’intérieur de Prusse, une mission de classification de l’entartete Kunst,
l’art dégénéré. Le Reichsjägermeister Goering sera si satisfait de ses services
qu’il en fera son directeur de cabinet chargé de la mise en sûreté des œuvres
d’art (reichkunstgogüedirektör). A ce poste influent Jean Pavel déploie une
activité fébrile, traquant Cranach et tapisseries dans toute l’Europe.
Mais ce n’est que la partie émergeante de l’iceberg. En 1938 Juan Pavel
est entré en contact avec un certain Jean Gilbert, plus connu sous le nom de
Leopold Zakharovitch Trepper, organisateur pour le compte du GRU soviétique
d’un des plus étonnant réseau de renseignement de la seconde guerre
mondiale : l’Orchestre Rouge (die
Rote Kapelle)
Les hautes relations de Jan Pavel (Reichsluftfahrtminister Göring,
l’ambassadeur Abentz) en font une précieuse source de renseignement. Mieux
encore Il est maintenant établi que c’est lui qui permit en 1943 l’évasion de
Léopold Trepper après la chute du
réseau Orchestre Rouge.
Vers Juillet 1944, il cesse de fréquenter Karinhall. Une obscure
mission le conduira de Pologne en Espagne et nous savons de source sure qu’il
passe début juillet 1944 par Canfranc Estación où il a de longs entretiens avec
le Commandant Alvaro Fonseca, chef de la Garde Civile dans ce secteur
stratégique.
Il rejoint ensuite Moscou via Gibraltar, Le Caire et Téhéran.
Période russe
Entretien du 2
décembre 1944 entre J. Staline, président du Conseil des commissaires du peuple
de l'U.R.S.S., et Ch. de Gaulle, président du Gouvernement provisoire de la
République française.Assistent à l'entretien: V. Molotov, A. Bogomolov, ambassadeur de
l'U.R.S.S en France, Roger Garreau, représentant de la France en U.R.S.S.., B.
Podtserob
-/… de Gaulle, en
apparté, à Roger Garreau, « Nous devions avoir des pilotes de Normandie
Niémen, et je ne vois que cet Ezcurdia ?»
-
Roger Garreau « C’est Molotov qui a insisté ; je
ne connais pas le parcours de ce Jean Pavlovitch, mais il est presque aussi
influent que Thorez au sein du Komintern, et est commissaire du peuple à l’art
prolétaire (Sovietskaia jivopis Vypousk)
-
De Gaulle, passant sans s’arrêter devant Jean Pavel Ezcurdia :
« Je vous ai compris… »
Pour quelqu’un de mieux informé que Roger Garreau la position éminente
de Jean Pavel Ezcurdia au sein de l’appareil stalinien n’avait rien d’étonnant.
Par un caprice du destin il put à nouvea éviter l’exécution de Léopold Trepper
lorsque ce dernier, après avoir connu les geôles de la Gestapo, fut incarcéré
dans les très soviétiques cellules de la Lubyanka. (il quitta la prison en
1955). Sa faveur était telle que des membres éminents de l’ex-Union des
Écrivains (photo ci-dessous) entreprirent de retracer sa carrière dans une
hagiographie qui laisse malheureusement subsister de trop nombreuses zones
d’ombre.
Épilogue
Par quels cheminements J.P. Ezcurdia se
retrouve-t-il dans le Tonkin des années 1950 , englué dans une improbable
agit-prop anticolonialiste ? Son amitié avec le Hô-Chi-Minh du congrès de
Tours fonde sans doute ce nouvel engagement. Ce combat cesse le 5 mars
1953 : des nervis appointés par un équipementier automobile le capturent
et le pendent au premier hévéa venu..
Accroché à sa dernière cimaise, il cesse de faire parler de lui.
© Informatique Basco-Béarnaise Moderne
™®
kåþò£ ¢åßtì¥ó
|
|